|
||||
Plan Accueil > OPALE > 1983-1995 : Les années difficiles | ||||
L'OPALE (logement social) : dégâts d'une tourmente1983-1995 : Les années difficiles
1. 1983-1989 : Désengagement municipal et carences de gestion1983-1989 : Le désengagement municipal, joint à d'évidentes carences de gestion, entraîne une chute libre dans la construction et l'entretien du parc social à Grenoble.
1.1. Le conseil d'administration nommé par Alain CARIGNON bouleverse le fonctionnement de l'Office HLM dès son arrivée1.1.1. Conseils d'administration : manque de transparenceLe 11 mars 1983, Alain CARIGNON est élu maire de Grenoble. Le 28 mars, le conseil d'administration de l'Office HLM, renouvelé après les élections municipales, se réunit bien que les représentants du préfet n'aient pas encore été désignés. Le conseil d'administration délibère néanmoins, la présidente Marie-Thérèse PHION (adjointe au logement d'Alain CARIGNON) passant outre à leur absence en se référant à un arrêté du Conseil d'État déclarant qu'un conseil d'administration peut valablement délibérer si la moitié de ses membres sont présents. Ces représentants ne sont désignés qu'en novembre et il n'y a parmi eux aucun représentant de l'opposition municipale. En juin 1983, l'administrateur représentant les locataires de la Confédération Syndicale des Familles s'inquiète des répercussions des décisions prises et en demande « la raison profonde » ; il n'obtient pas de réponse. En janvier 1984, à la demande de convoquer une réunion du bureau « pour éclaircir les problèmes de comptabilité », la présidente répond que seuls trois conseils d'administration annuels sont obligatoires, qu'ils ont eu lieu et ont permis de traiter beaucoup de questions sans faire appel au bureau. En septembre 1984, les protestations d'administrateurs sur les embauches sans concours n'obtiennent pas plus d'écoute. En mai 1986, un des administrateurs locataires « confirme la situation navrante pour les locataires », d'autres se déclarent surpris des nouvelles orientations... En juin 1986, des administrateurs critiquent le déroulement des élections des représentants des locataires qui viennent d'avoir lieu, deux quittent la séance et déposent une requête auprès du tribunal administratif, qui annule les élections. Les remarques des administrateurs locataires sur « le flou et le retard » des comptes rendus du conseil d'administration se succèdent. Mais la question du compte rendu des interventions au conseil d'administration sera tranchée à partir de 1987 : il n'y a plus de procès verbaux des conseils d'administration, seulement des relevés de décision Et, à partir de ce moment toutes les délibérations portent la mention : « approuvée à l'unanimité. » Des délibérations sont d'ailleurs « raccrochées » à des conseils d'administration précédents. Ainsi en décembre 1988, aux 7 délibérations présentées au conseil d'administration, 9 supplémentaires sont « raccrochées » au conseil d'administration précédent. Il en va de même pour l'organisation de l'entreprise. Quinze personnes ont été embauchées la première année, mais l'année suivante la présidente décide du non remplacement des agents qui démissionnent... estimant « qu'elle est seule compétente en matière de personnel » et demande que le tableau d'avancement du personnel ne soit plus mentionné à l'ordre du jour. Les audits ou les projets d'audits, passés à des cabinets spécialisés, se succèdent. L'étude la plus importante, en juin 1984, intitulée « audit financier » , ne comporte aucun chiffre mais prévoit un plan d'action en trois phases : embauche d'un nouveau responsable financier, réorganisation du secteur attributions, opérationnalité des structures... Aucune communication préalable n'a été faite ni au conseil d'administration ni aux syndicats, qui protestent. Plus tard les audits, techniques, informatiques, de comptabilité, se succéderont, sans toutefois laisser de traces dans l'organisation.
1.1.2. Gestion du personnel : mutations, mises à l'écart et nouvelles embauchesLa vie de l'entreprise est immédiatement marquée par de nombreuses turbulences : en juin 1983, le personnel se met en grève suite à « plusieurs mutations décidées par la présidente » et celle-ci fait constater par huissier l'occupation des lieux. Le même mois, interpellée sur ces mutations, elle répond que « le Comité Paritaire Consultatif n'est pas prévu dans les statuts. » Toujours en juin, la présidente demande un double des clefs de l'Office HLM « pour pouvoir effectuer des contrôles » sur les agents qui travaillent en dehors des horaires. Jusqu'à la fin de son mandat, la présidente multipliera les mutations impromptues de personnel, les mises à l'écart et les nouvelles embauches (dont certaines se feront sans concours).
1.2. Le conseil d'administration nommé par Alain CARIGNON modifie fondamentalement les activités de l'Office HLM1.2.1. L'Office HLM acquiert la compétence étendue et devient un OPAC (Office Public d'Aménagement et de Construction)Deux transformations importantes interviendrons entre 1983 et 1989. La première est l'acquisition de la compétence géographique étendue. Elle avait été réclamée depuis 1974 mais les préfets s'y étaient toujours opposés. À peine la nouvelle équipe municipale d'Alain CARIGNON en place, heureux hasard, cette extension est accordée. L'Office HLM pourra donc construire en dehors de Grenoble. La deuxième est la transformation de l'Office HLM en OPAC. La présidente en informe le conseil d'administration le 2 décembre 1986, indiquant que le conseil municipal délibérera en ce sens le 22 décembre, et qu'il est demandé au conseil d'administration de donner son accord. Ce qui sera fait avec seulement deux abstentions. La transformation en OPAC change en particulier les rôles respectifs du directeur général et du président du conseil d'administration.
1.2.2. La chute libre du parc social à Grenoble1.2.2.1. Attribution des logements selon le critère « habiter ou travailler à Grenoble »En mai 1983, on réintroduit le critère ; « d'habiter ou de travailler à Grenoble » pour l'enregistrement de demandes. En novembre, l'Office HLM se retire du FIDELOG (FIchier des DEmandes de LOGements au niveau de l'agglomération, suivi par l'Agence d'Urbanisme) et le Centre Communal du Logement, transféré au siège de l'Office HLM, cesse d'exister. Le même mois, à côté de la Commission d'Attribution statutaire est constitué un « groupe de travail pour les attributions en centre ville », idem pour les programmes de villas : « une réunion aura lieu en mairie pour décider d'une nouvelle politique et les demandes d'attribution les concernant. » A la demande d'un administrateur qui s'étonne de ce que les financements possibles au titre du 0,1% immigrés ne soient plus recherchés, la présidente répond : « il y a déjà une forte concentration de logements réservés aux immigrés en centre ville, et compenser dans les autres quartiers est difficilement envisageable. »
1.2.2.2. Vente accélérée des logementsAu conseil d'administration, les représentants locataires y sont opposés, constatant le nombre de demandes locatives insatisfaites et craignant les risques de spéculation. La présidente y est favorable, rappelant que « la vente de logements s'inscrit dans le programme électoral de la municipalité actuelle. » Néanmoins le conseil d'administration décide d'attendre au moins la publication des décrets d'application de la loi autorisant les ventes. Cependant, jusqu'en 1989, une centaine de logements sont mis en vente ; et il est clair que l'objectif est financier. « La mise en vente d'une fraction du patrimoine peut avoir l'avantage de dégager des ressources financières immédiates » déclare la présidente au conseil d'administration de mars 1986.
1.2.2.3. Pour « tenir compte des exigences liées à l'activité des promoteurs privés », ralentissement de la construction des logements sociaux neufsDès les premiers conseils d'administration, à un administrateur qui demande quelle est la priorité de la ville en matière de construction, la présidente répond : « il n'y a pas de priorité, tout se décide opération par opération, en fonction de l'objectif de diminuer la pression fiscale. L'Office HLM entre donc en compétition avec le secteur privé, il n'est ni exclu ni prioritaire. Les programmes choisis sont les programmes qui n'exigent pas d'aide particulière. » Cette politique est confirmée au conseil d'administration suivant : à un administrateur qui demande si la ville a demandé à l'Office HLM de stopper son activité, la présidente répond : « C'est une question de concurrence, la ville ne peut donner de subventions pour équilibrer [les constructions de l'Office HLM]. » Il n'est donc pas étonnant que les programmes neufs de logements sociaux sur Grenoble soient plus que réduits. Entre 1983 et 1989, dans les comptes rendus du conseil d'administration, on ne trouve trace d'aucun projet nouveau, hormis quelques villas et un immeuble complémentaire à la réhabilitation de Beauvert. Mais cela n'est pas étonnant puisque la présidente déclare en 1986 : « Il faut tenir compte des exigences liées à l'activité des promoteurs privés. » Lesquels construisent beaucoup à Grenoble ces années-là !
1.2.2.4. Réorientation des programmes des logements sociaux, désintérêt pour la réhabilitation et pour l'entretienBien plus, les programmes de logements sociaux en cours d'étude sont en partie réorientés vers l'accession (les Mouettes, Reyniès-Bayard). La commercialisation en sera confiée à une société choisie par la ville, ce qui amènera une protestation de quelques administrateurs qui trouvent les honoraires trop élevés... Il en est de même pour les nouvelles acquisitions. Ainsi à Beauvert, sur les 131 logements acquis, 80 sont mis en vente. Sur quels critères ? « En fonction de la situation de chaque locataire » répond la présidente à un administrateur. Pour assurer la survie de l'Office HLM, des projets sont élaborés à la Côte Saint-André, la Mure, Murinais, Saint-Marcellin, Ruy-Monceau, l'Isle d'Abeau (38) ce que permet la compétence géographique, fort opportunément obtenue... A des administrateurs qui demandent que soit faite une étude de marché avant d'engager des opérations à l'lsle d'Abeau, présidente répond : « il n'y a aucun problème pour les immeubles neufs » (ce qui ne se vérifiera hélas pas). (Pour compléter l'activité de construction, des projets sont élaborés dans des domaines fort éloignés de l'objet d'un organisme de logement social : un hôtel d'entreprise, des locaux d'activité, un hôtel, un camping... Seul ce dernier sera réalisé ; l'OPALE devra s'en désengager non sans y enregistrer d'ailleurs une lourde perte. Les réhabilitations engagées, à Mistral, Châtelet, Teisseire, Jouhaux, le Saintade, continuent, mais parfois avec des réorientations comme à Mistral sur le programme de grands logements. Quand à l'accompagnement social prévu dans les projets HVS puis DSQ des quartiers dits difficiles, il n'y en a nulle trace dans les activités de l'Office HLM (si cela ne prouve pas qu'il n'ait pas existé, cela montre au moins le désintérêt de l'Office HLM pour cette dimension des réhabilitations). Désintérêt qui se manifeste aussi sur l'entretien : dès le premier budget (1984) le budget "petit entretien" est ramené de 3,5 millions de francs à 1,5 millions de francs ; ce qui, disent les services « ne permettra de traiter que les urgences. » En même temps le ramassage des déchets est supprimé le samedi... et la ville qui participait jusque-là à l'entretien des parties communes de l'Arlequin (qui ont statut de rues) demande à l'Office HLM de payer ce service.
1.2.3. Une communication active alors que la situation de l'Office HLM est alarmanteLa communication est à l'ordre du jour fin 1987. Un nouveau logo est élaboré et l'Office HLM devient l'OPALE (Office HLM Public Aménagement Logement Espace). Un journal à destination des locataires (RELIEF) est créé, ainsi que des supports d'information rapide (les INFO-FLASH). Le congrès de l'Union Nationale HLM se déroule à Grenoble en 1987. La fin du mandat de la première municipalité CARIGNON s'achève sans que la situation véritable de l'Office HLM ne soit exposée ni au conseil d'administration, ni au conseil municipal... et pourtant... La chambre régionale des comptes avait fait, en 1988, un rapport sur les exercices 1983-1986, rapport communiqué début 1989 au directeur général (et vraisemblablement à la présidente ?). Ce rapport était alarmant sur l'état de l'Office HLM : « la sincérité des comptes pourrait justement être mis en doute en raison de la dotation au compte des provisions pour créances douteuses, insuffisantes » ou encore : « l'examen de nombreux marchés d'ingénierie et d'architecture a mis en évidence plusieurs irrégularités » ou bien, constatant que les impayés sont le problème majeur et chronique de la gestion de l'Office HLM : « la situation s'est détériorée depuis 1982. » Le résultat d'exploitation de 1987 (dernier connu lors de l'inspection) n'était positif que « grâce aux cessions d'immeubles, aux subventions reçues. » Était également critiquée la gestion du Trésor. Mais il n'y a nulle trace de ce rapport dans les comptes rendus du conseil d'administration. Il faut dire que les élections municipales (mars 1989) approchaient...
2. 1989-1991 : L'État impose un plan de redressement1989-1991 : La situation financière de l'Office HLM est telle que l'État impose un plan de redressement.
2.1. Un renouvellement salutaire du conseil d'administrationCes élections n'amènent pas de changement de majorité municipale (Alain CARIGNON est réélu maire de Grenoble le 17 mars 1989), mais néanmoins un renouvellement partiel du conseil d'administration de l'OPALE : une nouvelle présidente, Françoise PARAMELLE, est élue, dont le comportement marque une césure avec celui de la présidente précédente. La composition du conseil d'administration évolue également : après plusieurs mois de négociations entre la ville et le préfet, celui-ci désigne deux nouveaux membres représentant l'opposition municipale : une élue Annie DESCHAMPS et Jean-François Parent, candidat sur la liste d'opposition mais non élu. Dès le premier conseil d'administration, ces derniers s'inquiètent de la situation financière, dont ils ont pu avoir un aperçu malgré la rareté des documents communiqués et estiment le déficit financier à plusieurs dizaines de millions de francs ; ils font part de leurs observations au préfet. La gravité de la situation est reconnue par le directeur général dès le deuxième conseil d'administration : « l'OPALE est en état virtuel de cessation de paiement... l'exploitation 1987 dégage une perte nette de 24 millions de francs celle de 1988 de 12 millions de francs... le déséquilibre de l'actif net est de 53 millions de francs. » Toutefois aucune trace des interventions que firent alors plusieurs administrateurs au conseil d'administration ne figurent au compte rendu. Simultanément, les syndicats du personnel attirent l'attention des administrateurs sur le devenir de l'OPALE, faisant part de « l'inquiétude grandissante du personnel face à un avenir qui lui échappe. » Il semble alors que des divergences apparaissent entre la présidente et le directeur général : alors que la présidente informe les administrateurs « [qu']une analyse sera entreprise après les vacances », le directeur général déclare « [qu']un débat sur le devenir de l'OPALE est aujourd'hui prématuré. »
2.2. Deux administrateurs d'opposition obtiennent du Ministère du Logement qu'il diligente une inspection ; conclusion sans appelDevant l'absence de réactions tant de la ville que de la préfecture, les deux administrateurs d'opposition demandent au Ministère du Logement de diligenter une inspection. Celle-ci est décidée le 19 septembre 1989. À peine est-elle engagée que les administrateurs apprennent, par la presse, le 29 décembre, que le maire de Grenoble, Alain CARIGNON, a décidé de la mise en retraite anticipée du directeur général. Son adjointe présidant la commission des marchés ainsi que sa conseillère chargée de mission, ancienne présidente de l'OPALE, sont invitées à démissionner. Alors qu'en octobre il avait déclaré : « L'OPALE est en gestion directe de la mairie... », Alain CARIGNON affirme deux mois plus tard : « J'ai pris connaissance des faits dont vous allez mesurer, comme cela a été mon cas il y a quelques jours, tout le sérieux » et annonce même le nom d'un nouveau président, oubliant qu'une autre de ses adjointes est déjà présidente... et que c'est la prérogative du conseil d'administration que d'élire son président. Le rapport préliminaire de l'Inspection Générale de l'Équipement (IGE), du 15 janvier 1990 est déjà explicite, il cite, :
La conclusion est nette : « l'ensemble des faits évoqués ou même simplement certains d'entre eux justifieraient l'ouverture d'une information judiciaire... » Celle-ci n'aura pas lieu ; bien qu'après la publication du rapport définitif un élu d'opposition, Raymond AVRILLIER, puis la Confédération Nationale du Logement et la Confédération Syndicale des Familles, associations de locataires représentées au conseil d'administration, aient porté plainte contre X. Dans le premier cas le procureur de la République « estime ne pas devoir donner suite d'office à sa plainte » ; dans le second cas la plainte est déclarée recevable, mais sur appel du procureur, la constitution de partie civile est déclarée irrecevable par la cour d'appel de Paris. La presse commence à parler « des fausses factures de l'OPALE » d'autant que dans le cadre d'une affaire judiciaire en cours (l'affaire RIVIER, du nom d'un promoteur immobilier qui aurait pu avoir des relations avec l'OPALE), une perquisition a eu lieu dans les bureaux de l'Office HLM en décembre. Pendant que l'enquête de l'Inspection Générale de l'Équipement se poursuit un directeur provisoire, puis un nouveau directeur général, issu de l'administration centrale du Ministère de l'Équipement, sont nommés. Le rapport définitif de l'Inspection Générale de l'Équipement, en date du 26 juin 1990, est très circonstancié ; il dénonce, preuves à l'appui, outre les faits précités concernant les marchés, des irrégularités de gestion :
La conclusion est sans appel : « la situation critique constatée et les résultats catastrophiques prévisibles nécessitent la mise en place d'un plan de redressement. » Des recommandations sont faites : « il est indispensable de ne lancer de nouvelles opérations ou d'engager des travaux d'amélioration que si leur équilibre est assuré... de résorber la masse des impayés... de réduire les frais généraux... de renégocier certains prêts... de reconstituer la surface financière par des dotations extérieures... etc. » Ce rapport est communiqué, sans ses annexes, au conseil municipal le 23 juillet 1990, après que le nouveau directeur général a soumis au bureau du conseil d'administration de l'Office HLM un programme de travail pour l'élaboration d'un plan de redressement. Une réponse de l'OPALE au rapport est envoyée à l'Inspection Générale de l'Équipement, réponse qui ne conteste ni l'analyse ni les mesures préconisées.
3. 1991-1995 : L'OPALE en redressement1991-1995 : Un redressement est amorcé, avec extension du champ territorial, appel aux procédures de réhabilitation et apurement financier.
3.1. Un plan de redressement en cinq voletsÉlaboré par le nouveau directeur général, Jacques TCHENG, en liaison avec l'Union Nationale des HLM (la fédération des HLM était intervenue en janvier 1990 au conseil d'administration pour signaler qu'elle n'avait pu obtenir de l'OPALE que des renseignements « médiocres » sur les questions qu'elle avait posé dès fin 1988 et qu'en mai 1989 elle n'a pas eu les informations nécessaires pour une analyse qu'elle avait proposée, et que celles obtenues en décembre 1989 « n'étaient pas fiables ») et les services de l'État, en premier lieu la Caisse de Garantie du Logement Social, le plan de redressement (devenu plan de redéploiement) est envoyé officiellement aux services de l'État le 1er février 1991. Après quelques ajustements, l'accord du conseil d'administration de l'Office HLM est obtenu en février 1991, celui du conseil municipal en mai, celui du conseil général en juin. Et la convention entre l'État, la Caisse de Garantie du Logement Social, la Caisse Nationale pour le Logement des Immigrés, la Caisse des Dépôts et Consignations, le conseil général, la ville de Grenoble et l'OPALE est signée le 1er août 1991, fixant les engagements mutuels des parties pour cinq ans. Ce plan de redressement comporte cinq volets :
Ces rapports annuels d'avancement permettent de suivre le redressement de l'OPALE tout au long des cinq années du plan. Les versements de la Caisse de Garantie du Logement Social, de la Caisse Nationale pour le Logement des Immigrés et des collectivités locales pour le comblement du passif ont tous été réalisés conformément à la convention. Selon le premier rapport de mai 1992 sur les comptes 1991, l'essentiel des mesures de gestion a bien été pris :
Les autres rapports, bien qu'ils ne fassent que suivre l'avancement de ces mesures, donnent des indications sur la situation financière (les déficits annuels d'exploitation subsistent mais diminuent de 9 millions de francs en 1991 à 2 millions de francs en 1995), sur l'activité de construction (754 logements mis en service en 5 ans, dont 203 sur Grenoble, logements étudiants compris), et l'activité de réhabilitation (2 182 logements en totalité sur Grenoble). La sortie du plan de redressement donnera lieu à un nouveau rapport, mais il ne sera connu qu'après le renouvellement du conseil d'administration suite aux élections municipales de juin 1995, lesquelles ont amené une nouvelle majorité au conseil municipal.
3.2. La vie de l'Office HLM sous le plan de redressementLe conseil d'administration retrouve progressivement un fonctionnement normal. Toutefois il faut un certain temps pour solder le passif :
La majorité du conseil d'administration reste néanmoins réticente sur l'apurement des comportements de la période précédente. Ainsi une motion déposée par quelques administrateurs est repoussée. Elle demandait : « que l'OPALE retrouve sa crédibilité... que toute la lumière soit faite, y compris que soient engagées des poursuites judiciaires à l'encontre de ceux qui ont eu la responsabilité directe de la gestion. » Ce fonctionnement du conseil d'administration qui revient à la normalité est toutefois terni par un grave conflit (auquel refuseront de prendre part six administrateurs, dont ceux de l'opposition) qui oppose en décembre 1994 la présidente aux administrateurs issus de la majorité municipale dont elle fait partie. Ces administrateurs lui reprochent : « l'absence de débat sur la politique de l'Office HLM... le non respect des règles d'attribution... du favoritisme en commission des impayés ou en commission des marchés... des critiques publiques sur l'organisme et l'ingérence dans divers dossiers » (bref, tout ce dont souffrait l'Office HLM depuis 10 ans et dont, justement, avec le plan de redressement, il était en train de sortir !). Ces administrateurs, majoritaires, demandent la démission de la présidente, quittent la séance et, au conseil d'administration suivant, n'ayant pas obtenu cette démission, font perdurer le conflit : « j'invite mes collègues, déclare au conseil d'administration leur porte-parole à l'adresse de la présidente, à vous empêcher de faire n'importe quoi, voire à utiliser l'OPALE à d'autres fin que les siennes ». Ce conflit larvé se prolongera jusqu'aux élections municipales de juin 1995 qui renouvellera la majorité municipale et une grande partie du conseil d'administration de l'Office HLM. Les mesures de réduction préconisées par le rapport de l'inspection ne rassurent pas le personnel. La tension entre les salariés et le directeur général chargé de l'application du plan de redressement ne cesse pas pendant toute la durée d'application de ce plan. Cependant in fine, un accord d'entreprise qui ne sera signé que par un seul syndicat, réglera un certain nombre de problèmes.
3.3 La reprise progressive des activités de l'Office HLM3.3.1. La constructionL'activité de construction imposée par le plan de redressement se met difficilement en place sur Grenoble car la politique de la ville vis-à-vis du logement social n'a guère évolué. Mais l'Office HLM n'est pas non plus très motivé : un voeu présenté au conseil d'administration demandant que la ville de Grenoble fasse des facilités foncières pour les constructions neuves et impose 20 % de logements sociaux dans les opérations de promotion est repoussé par 11 voix contre 4. Néanmoins seront réalisés des programmes dans plusieurs quartiers (Europole, Regain, Prisme...), et des opérations mixtes entre l'OPALE et des promoteurs privés (rue des Arts...). D'autres seront mis à l'étude (programmes locatifs ou de logements étudiants La Bruyère). Cependant, l'augmentation du patrimoine urbain de l'OPALE tient pour l'essentiel au transfert à l'Office HLM de quelque 45O logements appartenant à la ville, suite à la suppression de la Régie Foncière et Immobilière par la municipalité CARIGNON (le patrimoine de cette régie, fondée au début des années 30, était d'environ 1 500 logements dont la ville n'a gardé que les 300 ou 400 invendables du fait de leur état ou de leur statut d'occupation). Les opérations neuves se font donc pour l'essentiel sur le département : Dolomieu, Saint-Étienne de Saint-Geoirs, la Tour du Pin, Saint-Marcellin, L'lsle d'Abeau... Cette activité de maîtrise d'ouvrage se limite dorénavant à l'objet social même de l'Office HLM ; les projets de diversification vers l'immobilier de bureaux ou de tourisme sont abandonnés. Pour le camping de Sassenage, l'OPALE doit se désengager (non sans y enregistrer d'ailleurs une lourde perte). Par contre l'Office HLM s'engage vers la réalisation d'équipements sociaux avec un projet de MAPAD (Maison d'Accueil pour Personnes Âgées Dépendantes) à Vif et un autre d'Hôtel Social à Grenoble (rue Mangin). Un second projet d'Hôtel Social, rue du Vercors, est bloqué suite à un conflit entre la présidente et la majorité du conseil d'administration. Enfin l'activité de promotion est suspendue en 1993 devant la difficulté de vente des programmes déjà réalisés (90 invendus) et ces programmes partiellement transformés en locatif (Renage, Beauvert...).
3.3.2. La réhabilitationL'activité de réhabilitation est également réactivée et intéresse plusieurs quartiers (Moyrand, Jouhaux, George Sand, Châtelet...) où sont enfin mises en place des procédures de consultation des habitants conformes à la loi. Les réhabilitations concerneront aussi les grands quartiers d'habitat social comme Mistral, ou d'habitat mixte comme la Villeneuve avec les nouvelles procédures du Développement Social Urbain (DSU). A Mistral, le bilan de la procédure DSQ mise en place les années précédentes est mitigé : « si on constate une amélioration du bâti, les comportements de la population n'ont guère été modifiés... le désenclavement social reste une priorité. » La nouvelle procédure est mise en place mi-1992 avec un programme de diversification d'activité, qui n'aura d'ailleurs pas de concrétisation. Sur la Villeneuve, le problème est différent. Bien que ce quartier ne présente pas les caractéristiques habituellement exigées pour avoir accès aux crédits DSQ ou DSU, la municipalité le fait inscrire dans ces programmes, malgré de nombreuses oppositions ; cela permet en quelque sorte de remplacer par des crédits d'État, la carence des crédits de maintenance. Les projets DSU engagés en 1991 sur l'Arlequin et en 1994 sur les Baladins concernent pour l'essentiel des aspects du bâti... Les administrateurs d'opposition critiquent : « la réalité de la concertation... de l'accompagnement social... de l'insertion urbaine... de la prévention... » Si, malgré les carences signalées, la construction et la réhabilitation ont à peu près trouvé, après 1991, le rythme d'activité que lui avait assigné le plan de redressement, restait le problème de la maintenance. En 1992, le rapport d'un bureau d'études spécialisé montre les énormes besoins d'entretien et de réhabilitation d'un patrimoine négligé depuis 10 ans et la carence spécifique de l'Office HLM qui ne consacre à l'entretien des logements qu'une somme équivalente à la moitié de la moyenne nationale (1 000 francs par an et par logement contre 2 000 francs en moyenne). Ce rapport estime le besoin courant de crédits d'entretien à 11 millions de francs par an, alors que les possibilités budgétaires ne sont estimées qu'à 7 millions de francs. Le retard d'entretien s'accumule donc, même si le ratio d'entretien au logement s'améliore un peu (1 300 francs par logement en 1993).
3.4. L'amorce d'une politique sociale et de proximitéUne des carences signalée par l'Inspection Générale de l'Équipement concernait la politique sociale de l'Office HLM. La période 1991-1995 verra donc le retour progressif à des préoccupations sociales, conformément aux engagements du plan de redressement. D'une part, l'OPALE met en place en avril 1991 une cellule de politique sociale. Celle-ci suivra le peuplement des quartiers (en particulier dans le cadre des projets de DSU), les impayés (qui se résorbent lentement), les attributions (avec un projet de règlement intérieur de la Commission d'Attribution en 1993) et participera au PALDI (bien que l'Office HLM ait refusé fin 1993 de réaliser des logements d'insertion). D'autre part, l'OPALE se rapproche des préoccupations des quartiers par plusieurs mesures. Trois antennes du siège, qui avaient été mises en place dans les années soixante-dix puis supprimées sont recréées, bien que ne disposant pas d'autonomie de gestion ni financière. Des conventions sont signées avec les Régies de Quartier Villeneuve puis Teisseire pour qu'elles assurent l'entretien des parties communes des bâtiments de l'Office HLM. Avec la Régie Villeneuve, cette convention est étendue à la réfection d'un certain nombre de logements avant relocation. Les consultations des habitants avant travaux de réhabilitation donne lieu à une information par INFO-FLASH. Enfin, l'OPALE s'associe à plusieurs actions menées dans les quartiers Teisseire et Châtelet avec les habitants pour l'amélioration et l'entretien du cadre de vie ; certaines de ces actions, comme "Gazoline et... coup de balai", sont relayées par une communication active. La demande des habitants de participer aux attributions ne pourra pas être prise en compte pour des raisons de légalité, mais des discussions périodiques auront lieu sur l'évolution du peuplement dans les quartiers sud. L'OPALE cherchera également à favoriser l'insertion des jeunes chômeurs en adhérant aux projets des associations "d'Insertion par l'Économique" (GEIQ 38 et ARRADEP). La création en 1992 d'une association des bailleurs sociaux de l'Isère, ABSISE, permettra d'assurer une gestion commune des contrats à durée déterminée, dont la multiplication sera d'ailleurs dénoncée par les syndicats. A la suite de l'ouverture d'actions judiciaires contre Alain CARIGNON, fin 1994 (voir la rubrique "L'eau de Grenoble : un pacte de corruption"), un élu de l'opposition (Raymond AVRILLIER) reprend début 1995 la requête qu'il avait faite après la publication du rapport de l'Inspection Générale de l'Équipement en 1990 « pour délits susceptibles d'avoir été commis dans la gestion de l'OPALE de 1987 à 1989. » Comme précédemment cette requête est rejetée par le tribunal administratif au motif que « la relation entre la présente affaire et l'inculpation récente d'élus locaux et de responsables d'entreprises n'est étayée par aucun fait précis. » De même, le conseil d'administration mandate lors de sa dernière séance, trois jours avant les élections municipales, la présidente de la commission d'attribution, pour porter plainte sur des accusations de pots de vin rapportées par la presse et concernant des attributions. Après enquête, il n'y aura pas de suite. La période 1991-1995, retrouvant progressivement la normalité de fonctionnement, a commencé à réparer les dégâts considérables causés à l'Office HLM et à ses locataires durant la période 1983-1989.
Source :
|
||||