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L'OPALE (logement social) : dégâts d'une tourmenteRapport de l'Inspection Générale de l'Équipement (1990)
Ministère de l’Équipement, du Logement, des Transports et de la Mer (Conseil Général des Ponts et Chaussées) rapport du 26 juin 1990 MIS/HLM n° 89-090 concernant le contrôle de l’Office Public Aménagement Logement Espace (OPALE) de Grenoble
Ministère de l’Équipement, du Logement, des Transports
et de la Mer
1. Présentation de l'organismeCréé en 1922, l’Office Public d’HLM de la ville de Grenoble a été transformé en OPAC le 23 mars 1988 sous la dénomination Office Public Aménagement Logement Espace (OPALE). Sa compétence s’étend théoriquement à la région Rhône Alpes, mais son activité se limite au département de l’Isère et, essentiellement, à la ville de Grenoble et à son agglomération. L’OPALE est présidé depuis le 8 juin 1989 par Madame Françoise PARAMELLE, adjointe au maire de Grenoble chargée du Logement. Le directeur général (par intérim) est Monsieur Jean LAHNS, également directeur général de l’OPAC de Savoie et président de l’Association Régionale des Directeurs d’Offices Publics d’HLM et d’OPAC. Au 31 décembre 1988 l’OPALE gérait 8 149 logements et possédait en outre 9 foyers représentant 360 équivalents logements. Au cours des années 1986 à 1988, 227 logements locatifs nouveaux ont été mis en service et 797 logements du patrimoine ont fait l’objet d’une grosse réhabilitation, ce qui représente une activité d’importance moyenne, compte tenu de la taille de l’OPALE. L’Office avait construit 172 logements en accession et avait trois opérations en projet pour 82 logements. L’Office avait été contrôlé par l’Inspection Générale de l’Équipement en 1987 (Rapport IG-HLM n° 87.005 du 12 juin 1987). Le précédent contrôle effectué sur l’exercice 1985 concluait à une situation difficile de l’Office, et indiquait que « son redressement passait par un contrôle rigoureux de sa gestion, une forte réduction du retard dans le paiement des loyers et la vente d’une partie du patrimoine. » Cette situation avait conduit à la désignation d’un nouveau directeur, Monsieur VALLON (auparavant secrétaire général adjoint chargé des Finances à la mairie de Grenoble). Ce dernier a cessé ses fonctions à l’OPALE le 1er janvier 1990. L’Office a également fait l’objet d’une contrôle de la chambre régionale des comptes en 1988 (jugement du 12 janvier 1989).
2. Aspects techniquesLa maîtrise d’ouvrage donne en général des résultats convenables mais les prix de revient sont souvent élevés, tant pour les opérations nouvelles que pour la réhabilitation. La conduite de l’opération est assurée directement par l’organisme, et il en est de même parfois de la maîtrise d’oeuvre en réhabilitation, voire de quelques opérations de construction nouvelle de faible importance. Certaines observations faites lors du précédent contrôle sont restées d’actualité : absence d’approbation des avant-projets sommaires et des avant-projets détaillés, appels d’offres en général infructueux (signe d’une mauvaise estimation initiale), absence d’utilisation des ordres de service (dans le cas d’avenants), pénalités pour retard non appliquées. Par ailleurs, la passation des marchés d’ingénierie et de coordination appelle de sérieuses réserves : ceux-ci sont passés sans mise en compétition préalable, même pour des montants très élevés pouvant dépasser 8 millions de francs ; pour cela, l’article 312 bis du code des marchés publics est abusivement sollicité. Et il arrive encore souvent que la signature des marchés d’ingénierie intervienne après l’ouverture des plis des entreprises, ce qui fausse la fixation du coût d’objectif. Enfin, les pénalités pour dépassement de coût d’objectif ne sont jamais appliquées. Dans certains cas les prestations d’ingénierie ne sont pas conformes aux marchés. Ainsi, plusieurs marchés ont été passés avec le Centre d’Études et de Recherches pour les Réalisations Urbaines (CERRU), avec une rémunération particulièrement élevée de mission M1 (avec projet) et de note de complexité de 5 ; toutefois les plans établis par cet organisme, quand ils existent, sont très souvent de qualité médiocre ; d’ailleurs, dans les marchés qu’il prépare, le CERRU met à la charge des entreprises la fournitures des notes de calcul et des plans d’exécution pour lesquels il est déjà rémunéré ; ainsi, le maître d’ouvrage paie deux fois ces prestations. Cette situation était avalisée par le directeur général, Monsieur VALLON ou par la responsable des finances, Madame MALTHERRE, qui l’assistait dans le suivi des marchés CERRU. Ces personnes ont commis là de graves fautes professionnelles pour avoir certifié des services non faits. Le montage des opérations laisse sérieusement à désirer : conseil d’administration informé tardivement, demandes de financement présentées avec des retards parfois importants. L’attribution des travaux est faite parfois sur la base de rapports peu clairs ne comportant pas de justifications appropriées. On notera que les administrations concernées, dont la DDE, convoquées aux séances d’ouverture des plis, n’y participaient jamais. Le déroulement présente aussi d’autres lacunes que celles signalées plus haut : travaux engagés parfois avant les notifications des marchés, augmentation des délais d’exécution. Les retard dans le règlement des marchés ne donnent pas lieu au paiement d’intérêts moratoires. On relève aussi que des avenants ont été passés pour augmenter certaines quantités en dehors de toute vraisemblance. L’exploitation du patrimoine donne des résultats inégaux. Les coûts de chauffage sont en général raisonnables et parfois modérés, de même que le coût des ascenseurs. Par contre, l’entretien courant, le nettoyage des parties communes et le gardiennage présentent des lacunes, ce qui est probablement dû à la défaillance de l’encadrement. La conservation du patrimoine est assurée dans des conditions convenables, compte tenu des difficultés rencontrées par l’organisme dans certains immeubles (vandalisme notamment). Cependant un renforcement des crédits de gros entretien et de grosses réparations est à envisager pour les prochains exercices. Enfin, l’organisme a entrepris la réhabilitation progressive de son patrimoine. Les résultats sont encourageants bien que d’un prix de revient souvent élevé.
3. Gestion administrativeJusqu’à son renouvellement en 1989 et à l’arrivée de Madame Françoise PARAMELLE à la présidence, le conseil d'administration ne fonctionnait pas correctement. Il arrivait que des délibérations portants sur des sujets importants soient raccrochées à des réunions antérieurs, avec plusieurs mois de retard. Par ailleurs la précédente présidente [Madame Marie-Thérèse PHION, adjointe au logement d'Alain CARIGNON] bénéficiait d’une indemnité mensuelle contraire à la réglementation (7 800 francs par mois lors de son départ) et se faisait rembourser des frais de mission sans lien avec l’activité de l’Office. Le fonctionnement de l’organisme a connu un flottement permanent depuis 1984. L’arrivée de Monsieur VALLON en 1986 n’a pas eu les résultats escomptés. En voulant écarter certains responsables, en en introduisant d’autres pas toujours qualifiés et en court-circuitant les chefs de service dans les relations de travail, il a au contraire désorganisé l’Office encore plus et il a contribué à renforcer la mésentente qui existait déjà. En matière de gestion locative, l’organisme pratique des loyers qui sont très bas pour la plupart des opérations non conventionnées et pour certaines opérations conventionnées. L’existence d’un accord-cadre signé en 1989 et l’application de la grille des loyers devraient permettre une remise en ordre progressive dans ce domaine. Par ailleurs, il arrive que la récupération des charges présente des anomalies. Des défaillances graves ont été constatées dans l’attribution des logements. Ainsi le contrôle a permis de relever une forte progression des dépassements de ressources et d’absence de justifications du revenu imposable (au total, 46 % des dossiers étudiés), ainsi que, dans une moindre mesure, l’absence de justification de la composition du ménage. Pendant 6 mois, les attributions ont été faite sans intervention de la commission prévue à cet effet. On notera le cas de Monsieur FANNI, directeur général adjoint, qui a profité de sa position au sein de l’OPALE pour se faire attribuer pendant cette période, un grand logement au centre ville, auquel il ne pouvait prétendre. Le taux des logements vacants est très bas. Celui des impayés, encore très élevés, aurait plutôt tendance à se stabiliser, grâce sans doute à l’action qui, encore trop timidement, se met en place en ce sens. L’OPALE a entrepris de vendre certains logements, sans beaucoup de succès jusqu’à présent. Enfin l’OPALE gère un camping alors qu’il n’a pas vocation à le faire.
4. Appréciation de la comptabilitéL’ordonnancement des dépenses est de la responsabilité du directeur général mais aussi des chefs de service (finances, gestion technique, personnel) ; les mandats peuvent être signés par le directeur général ou les responsables cités ci-dessus. La comptabilité ordonnateur est tenue sur informatique : les écritures sont saisies sur des écrans terminaux reliés à l’ordinateur du Centre Technique Informatique (CTI) de la ville de Grenoble qui assure également le quittancement. Monsieur MATHON, Inspecteur Central du Trésor est responsable de la recette de l’Office qui emploie 8 agents du Trésor et un agent mis à la disposition par l’Office. Les règlements sont saisis sur des écrans reliés au CTI. L’absence de relances systématiques se traduit par des retards de paiement de loyers très importants : ils atteignaient au 31 décembre 1988 près de 15 % du quittancement de l’année, soit 54 jours de loyers et charges ; les impayés à plus d’un an sont également d’un niveau très élevé (15,5 % des produits de l’exercice). Dans le bilan présenté il a notamment été relevé d’une part que le compte "prêts individuels" n’avait pas été débité des prêts accordés aux acquéreurs du programme "Les Mouettes" alors que le compte était crédité des remboursements effectués par ces clients, d’autre part, que les ventes des deux opérations d’accession à la propriété terminées depuis plus de deux ans "Croix du Sud" et "Les Mouettes" n’étaient pas constatées. Si le compte d’exploitation n’est pas fiable (le résultat redressé par la prise en considération des charges et des produits reportés sur l’exercice suivant est inférieur de près de 8 millions de francs au résultat comptable), le résultat enregistré au compte Pertes et Profits (- 10 millions de francs) est assez proche du résultat net redressé (- 9,2 millions de francs).
5. Financement et gestion des investissementsPour les opérations locatives le financement principal était assuré, fin 1988, à 25,4 % par des emprunts antérieurs à la réforme, à 51,8 % par des emprunts PLA, à 22,2 % par d’autres prêts pour la construction de garages, commerces, l’acquisition des bureaux et les travaux d’amélioration et à 0,6 % par un prêt locatif intermédiaire. Le financement principal ne couvre en moyenne que 90,3 % du coût des opérations récemment terminées. Le financement complémentaire est constitué par des subventions d’origines diverses (État, commune, région, contribution patronale versée directement par les entreprises ou les organismes collecteurs) et des emprunts provenant essentiellement des organismes sociaux, des compagnies d’assurances, et de la contribution patronale. L’insuffisance de financement constatée était due aux opérations en cours (neuves et améliorations) pour lesquelles l’ordre de service avait été donné avant que le financement soit obtenu ou même demandé. En matière d’accession à la propriété l’Office pratique uniquement la vente en l’état futur d’achèvement. Pour l’opération "Croix du Sud" de 67 logements terminés en 1983, un logement (prix de revient 279 000 francs) n’était pas vendu et devait être transformé en locatif. Les 22 logements financés en PAP du programme "Les Mouettes" terminés en 1988 étaient tous vendus. Les trois opérations du groupe BEAUVERT avaient démarré fin 1988. La commercialisation a débuté dans le courant de l’année 1989. Bilan et exploitation de l'exercice 1988 : au cours des trois dernières années, la structure du bilan de l’organisme se caractérise :
Si le Fonds de Roulement Brut était suffisant (avec 137 millions de francs il représentait 6 mois de dépenses) il était utilisé à près de 76 % pour couvrir le déficit de trésorerie des investissements (92,3 millions de francs) et le déficit cumulé d’exploitation (11,8 millions de francs). Les résultats nets comptables de l’exploitation se dégradent entre 1986 et 1988 (+ 3,9 %, - 0,1 %, - 6,3 %). Pour l’exercice 1988, le résultat redressé s’est soldé par un déficit de 9,2 %. Ce très mauvais résultat était dû :
6. Étude de l'équilibre de gestion prévisionnelleL’Office a mis en service 274 logements neufs en 1989 ; il est prévu la location de 221 nouveaux logements en 1990 et 60 chaque année suivante. En outre, pour les 5 années à venir 1 600 logements devraient être améliorés. Sur la période considérée une réduction de l’effectif devrait entraîner une diminution des frais de structure de 2 millions de francs mais la taxe foncière devrait progresser en plus de l’inflation de 4,2 millions de francs. Il est prévu que la dotation à l’amortissement technique est limitée à l’amortissement financier, que les baux emphythéotiques sont amortis linéairement sur leur durée et que la dotation à provision pour réparations est réduite au minimum réglementaire, avec une progression de 3 % chaque année de l’indice du coût de la construction. Pour mettre à niveau la provision pour créances douteuses il est nécessaire de prévoir une dotation de 1,7 million de francs en 1989. L’étude de l’équilibre de gestion à terme montre que malgré :
les résultats d’exploitation devraient être constamment négatifs. Le déficit atteindra 15,2 millions de francs en 1989, devrait être ramené à 2 millions de francs en 1990, dépasser 11,5 millions de francs en 1991 et atteindre respectivement 18,5 millions de francs et 20,6 millions de francs en 1992 et 1993. Sur la période considérée le déficit cumulé (66 millions de francs) affaiblira fortement la surface financière : avec 54 millions de francs le fonds de roulement brut ne devrait assurer, fin 1993, que 2,5 mois de dépenses.
7. ConclusionLa situation critique constatée et les résultats catastrophiques prévisibles nécessitent la mise en place rapide d’un nouveau plan de redressement. Il est indispensable :
L’Office doit être repris en main avec fermeté ; les rôles respectifs de la direction générale et du conseil d'administration doivent être clairement définis.
L’Inspecteur Général de l’Équipement |
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